Dorothée Olliéric, grand reporter à France Télévisions : « Il y davantage d’immédiateté dans l’information »

De sa première mission au Chili où elle réussit à interviewer Augusto Pinochet aux pays en guerre, Dorothée Olliéric a couvert près de dix-sept ans de conflits dans le monde entier : Cambodge, Angola, Rwanda, Afghanistan, entre autres. Chef adjointe du service étranger entre 2002 et 2005, elle livre son regard en trois questions sur l’évolution du métier de reporter de guerre.

Elisa Humann : Qu’est-ce qu’être correspondant de guerre pour vous en 2020 ?

Dorothée Olliéric : Il peut y avoir des journalistes freelances, par exemple en Turquie, pour être au cœur des mouvements jihadistes, pour les médias qui n’ont pas de correspondants.

C’est une façon de se faire connaître. Notre actuel correspondant en Inde, Nicolas Bertrand est lui parti vivre 2 ans en Afghanistan et ça lui a permis de vendre des sujets. Il a ensuite eu un contrat à France TV.

Aujourd’hui en 2020 c’est un peu la guerre. Avec tous les bureaux, si un est plus rapide sur des prévisions, la place est prise.  C’est la rapidité qui joue. La chasse gardée n’est plus trop d’actualité.

Je suis allée pas mal en Irak. Cependant, j’ai refusé de me rendre en Syrie pour des raisons personnelles.

EH : Quelles évolutions avez-vous remarquées ?

DO : Au Rwanda, nous n’avions pas de portable mais un téléphone satellite. On partait dans un périple inconnu. Aujourd’hui, où que tu sois, tout est hyperconnecté.

En Irak, plein de jeunes font des lives Facebook. Au Rwanda, tu passais plusieurs jours avant d’accéder à la ligne de front. Il fallait faire 10 h de route pour faire le montage.

Tout ce qui est déplacement en pays en guerre se décide avec la présidence :  aujourd’hui on te fait remplir une tonne de papier pour que France TV se protège et te protège.

Une question de sécurité est convenue avant de partir : chaque équipe qui part en terrain de guerre passe par cela. Un traqueur (GPS ++) est allumé en permanence. Il y a tout plein de mesures par rapport à avant. C’est plus encadré du côté administratif.

EH : A l’heure des réseaux sociaux et de l’hyperinformation, comment exercez-vous votre métier ?

DO : Aujourd’hui, il y a davantage d’immédiateté. La WIFI passe jusqu’à Mossoul.  On s’adapte en choisissant mieux l’angle du sujet en ne faisant pas que du news.

 Exemple lors des élections afghanes : pas de sujet au bureau de vote (images d’agence)  on essaie de faire quelque chose de décalé et de le monter ce jour-là : les femmes dans l’armée afghane. On nous demande de tweeter, l’application FranceTVinfo est très bien informée.

Cependant, la hiérarchie a plus la mainmise sur le résultat de notre tournage. En fonction du souhait du présentateur, il y a une pression où moment du tournage, comme si tu étais à côté de tes chefs.

Il y un interventionnisme qui n’existait pas avant.

Je regrette qu’on ait perdu en profondeur pour être le premier à dire ce qu’il se passe. Il y a de plus en plus d’observateurs que de journalistes.