Après avoir été photoreporter et journaliste chez Vice, Jean-René Augé-Napoli a fondé Wahed Magazine, magazine mensuel d’information générale qui veut rapprocher l’actualité arabe et européenne en mettant en relation les problématiques, les actualités comme les langues, à travers leurs perspectives culturelles, parfois leurs différences.
Il nous livre son point de vue sur l’évolution du métier de reporter de guerre pour Little French Reporter.
Elisa Humann : Qu’est-ce qu’être correspondant/reporter de guerre pour vous en 2020 ?
Jean-René Augé-Napoli : Plus grand-chose, il y a eu une certaine tendance à dégrader les conditions.
- La responsabilité des chaînes qui ne veulent pas être poursuivies en cas de problèmes, de plus en plus d’intermédiaires entre elles et l’information.
- Les agences prennent des journalistes locaux. Cela précarise la profession. C’est un problème assez consistant jusqu’en 2014 et qui est désormais exclusif.
Pour des agences photos, le montant est exorbitant. On envoie des appareils photos pour des montants de 10% de ce que coûte un journaliste.
Une chose encore plus grave ; des accords passés avec YouTube permettant de reprendre des contenus de possible propagande, directement postées par les intéressés sans filtre.
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
On est au cœur de l’histoire. Les événements se font devant nous. C’est la base de l’intérêt. Il y a ce truc de voir des pages qui s’écrivent dont on est les témoins directs. Ce n’est pas un simple conseil de réformes. Là, on est sur un métier qui est très romantique. Tout simplement, on tombe dans une forme de romantisme où il est très entier, il prend l’individu, on se fait embarquer dans une histoire. C’est assez fabuleux.

Quelles évolutions avez-vous remarquées ?
Moins de moyens, moins de temps, plus de problématiques : le fait qu’on laisse de moins en moins les journalistes de faire ce qu’ils veulent. On est systématiquement entouré de forces armées, on est limité dans le mouvement (réalité), on doit choisir un camp avant d’avoir commencé à travailler. Le risque d’enlèvement, d’arrestation.
La dimension temporelle est différente dans un conflit.
A l’heure des réseaux sociaux et de l’hyperinformation, comment exercez-vous votre métier ?
En fait, il n’y a pas d’hyperinformation sur les théâtres de guerre. Il n’y a pas d’information courte. Le seul truc court ce sont les infos de propagande. Tout le reste, ça se passe dans la longueur. La temporalité est différente. Tout effort pour donner une dimension quotidienne, c’est perdre le lecteur/spectateur. C’est des vrais-faux rebondissements. Si on cherche à coller à l’actualité, on le voyait avec les ruines du printemps arabe, plus on cherche à donner dans l’immédiat, plus on crée des nœuds. On ne sait plus qui fait quoi. On se retrouve à faire des petits événements d’un grand événement.
