Comment informe-t-on dans un pays en guerre ?
Afchine Alavi est membre de la commission des affaires étrangères du Conseil national de la Résistance iranienne. Il nous donne quelques précisions sur l’exercice du journalisme en Iran.
Elisa Humann : Pouvez-vous nous parler du Conseil National de la Résistance Iranienne ?
Afchine Alavi : Bonjour Elisa, je suis militant et membre du Conseil national de la Résistance iranienne et je me charge de la question de l’information mais je ne suis pas journaliste à proprement dites mais j’ai de nombreux amis journalistes qui m’informent depuis l’Iran. J’ai remarqué que vous interviewez surtout des journalistes, ce serait donc un peu différent avec moi.
Je milite depuis mon plus jeune âge ne pouvant tolérer que mon pays soit ainsi sous l’emprise des mollahs obscurantiste. J’ai accueilli avec enthousiaste la chute de la dictature du Chah mais je ne m’attendais pas comme beaucoup d’Iraniens à une dictatures encore pire, fascisant et teinté de religion mais remplies d’hypocrisie. Mon engagement au sein du la coalition du Conseil national de la Résistance qui milite pour un Iran libre et démocratique, les droits humains et l’égalité entres les hommes et les femmes est tout naturel.
Comment travaille-t-on dans un pays comme l’Iran en tant que journaliste ?
Mes amis journalistes ne peuvent pas travailler librement. La censure est là, l’autocensure en plus. S’engager dans les médias officiels c’est se compromettre avec le pouvoir. En 2019 et 2020 après les mensonges sur les tueries des manifestants et le crash de l’avion ukrainien à Téhéran par un missile des gardiens de la révolution, plusieurs journalistes des médias d’Etat ont démissionné de crainte d’être aussi impopulaire que le pouvoir. Les journalistes iraniens travaillant avec des médias étrangers sont doublement sous surveillance. Le régime a davantage de moyens sur eux par rapport à leurs collègues étrangers. Un journaliste étranger risque de ne plus avoir de visa mais un iranien peut subir des chantages sur sa familles ou des menaces encore plus sérieuses. Sous ces chantages parfois les journalistes iraniens cèdent et leur dépêches ou reportage tient compte avant tout de l’opinion du pouvoir et de l’image que veut bien véhiculer le régime. L’un des anciens ministres du sinistre ministère des renseignements (VEVAK) a avoué dans un interview télévisé, que ses agents ont utilisé des couvertures de journalistes pour nuire à la résistance. J’ai eu personnellement de nombreux témoignages de journalistes même français à qui on avait proposé de diaboliser les opposants pour avoir un visa pour l’Iran, beaucoup ont refusé mais certains ont hélas accepté de se compromettre.
Les autres, à savoir tous les Iraniens qui font du journalisme sur les réseaux sociaux sont constamment menacés. L’Iran est un des rares pays qui a annoncé l’emprisonnement de plusieurs dizaines de personnes ayant diffusé des informations sur l’ampleur du coronavirus dans le pays et ses conséquences. C’est pour tous ces réalités que l’Iran des mollahs est selon Reporter sans frontière l’un des principaux pays prison des journalistes.
A quoi ressemble une journée type d’un journaliste en Iran ? Quelles sont ses contraintes ?
Le contrôle des médias est total. La censure est ouvertement exercée. Lors des émeutes en Iran, même les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à sortir de leur bureau. En 2009, quand les manifestations hostiles au régime ont éclaté, les journalistes étrangers ont été expulsé sans délai et les correspondants comme ceux de l’AFP ont reçu consigne du régime de ne pas sortir sous peine d’être arrêté. Actuellement les journalistes qui travaillent en Iran avec la chaîne satellite de la résistance iranienne IranNTV qui est largement regardée prennent des risques énormes pour relater les campagnes d’affichages contre le régime dans les villes d’Iran ou pour informer sur les vrais chiffres des victimes du coronavirus. Les risques sont l’arrestation, la tortures et parfois l’exécution. Malgré cela le journalisme citoyen est devenu une activité favorite des Iraniens qui étouffent sous les lois médiévales d’une théocratie cruelle et misogyne. C’est grâce à ce réseau que le monde à pu suivre en détail les émeutes de novembre 2019 et les manifestations de janvier 2020. Un symbole des journalistes et blogueurs en Iran est Sattar Beheshti torturé à mort en prison en 2012.
