Depuis le début du conflit russo-ukrainien le 24 février, la culture n’est pas épargnée. Entre le boycott d’artistes et la répétition d’incidents diplomatiques, le monde tourne le dos à la culture russe, au risque de recourir au chantage.
Le chef d’orchestre Valery Guerguiev a été le premier à en faire les frais. Programmé pour diriger l’Orchestre de la Scala de Milan (Italie) début mars 2022, ce dernier s’est vu obligé de faire une déclaration plaidant pour une « solution pacifique » du conflit russo-ukrainien. En cas de refus, sa présence serait compromise. Depuis, le chef d’orchestre est mis au ban de la musique classique, après avoir été déprogrammé du Carnegie Hall à New York, des festivals de Lucerne et de Verbier en Suisse et de la Philharmonie de Paris, entre autres…
Mais le boycott artistique européen ne s’arrête pas là. En Slovaquie, l’Orchestre philharmonique national a retiré une partie de la Cantate Alexandre Nevski de Prokofiev, afin d’éviter « d’éventuels malentendus à propos du texte » de cette œuvre. En Lettonie, le groupe de rock BrainStorm a annulé sa tournée en Russie, tandis que l’Opéra national a annoncé que son orchestre jouerait l’hymne national ukrainien avant chaque concert et qu’il n’inviterait plus d’artistes étrangers qui ne condamnent pas clairement l’invasion russe.
Le septième art n’est pas épargné : l’Académie du cinéma européen a également condamné sans équivoque l’invasion de l’Ukraine et exclut la Russie des European Film Awards.
Pour Irina Sakharova*, 24 ans, graphiste à Saint-Pétersbourg, l’impact de “l’opération militaire de dénazification de l’Ukraine”** ne se ressent pas tellement en Russie. Bien que Disney ait déclaré cesser toutes ses activités dans le pays, y compris la diffusion de contenus via sa plateforme Disney +, elle et ses amis utilisent des réseaux virtuels privés (VPN) pour continuer à profiter des programmes.
Parmi les dirigeants européens, seule Angela Merkel a condamné le boycott des artistes russes. « Je ne pense pas que nous devrions interdire la culture russe maintenant. Nous devrions voir qui soutient ce que fait Poutine et qui ne le fait pas » a-t-elle déclaré. Une bienveillance qui ne concernerait pas Anna Netrebko, à propos de laquelle Angela Merkel a déclaré : « non, je ne l’inviterai pas à dîner. Politiquement, elle a déjà fait des choses que je condamne absolument “.
De quoi se poser une question essentielle : jusqu’où doit aller ce boycott ? Les interdictions contre les arts russes ciblent-elles les bonnes personnes ?
Elisa HUMANN
*Le nom a été modifié pour des raisons de sécurité
**Une loi punit désormais par de lourdes peines de prison toute diffusion d’« informations mensongères sur l’armée ». Russes et résidents en Russie encourent désormais jusqu’à 15 ans de prison.
